A la rencontre de Zayneb et de sa fille Hajar

Rapport du Commisariat Royal à l’Immigration (1990)

DOSSIER INTEGRATION : UNE POLITIQUE DE LONGUE HALEINE
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LIBRES PROPOS SUR LA PHILOSOPHIE D’UNE POLITIQUE ET QUELQUES APPLICATIONS

Dans l’éditorial du n°57 de MRAX - Information, j’ai parlé d’événement pour saluer la publication du premier rapport du Commissariat royal : L’intégration, une politique de longue haleine.
Au moment où semble s’amorcer dans de bonnes conditions un débat politique sur ce rapport et où l’on peut espérer un premier engagement gouvernemental sur quelques-unes de ses propositions, je voudrais revenir plus à l’aise, dans cet article, sur son contenu. Renonçant à en faire une présentation détaillée (cfr toutefois l’encadré), j’aimerais, dans un premier moment, en dégager la philosophie : l’intégration par l’égalisation ; ensuite montrer cette philosophie à l’oeuvre dans deux domaines où les propositions sont particulièrement intéressantes : l’accès à l’emploi et la nationalité.

L’intégration : sortir du flou

Depuis une quinzaine d’années, depuis l’arrêt de l’immigration, l’intégration est devenu le maître-mot (succédant à l’accueil). Il a été employé à tort et à travers. Il s’est transmis notamment de gouvernement Martens en gouvernement Martens, même quand on passait du "rouge-romain" au ’’bleu-romain’’ et vice-versa. On l’a tellement employé à sens unique : "Ils doivent s’intégrer ; ceux qui ne veulent pas s’intégrer, qu’ils s’en aillent !" qu’il est devenu suspect. II a suscité dans des milieux associatifs immigrés une franche réaction de rejet au nom du respect de la différence, - alors même que toute la dynamique de ces groupes était celle de l’intégration. L’actualité récente, -plus vive chez nos voisins du Sud, - a montré, autour de l’affaire des voiles, - combien l’appel à l’intégration pouvait recouvrir d’opinions différentes et même brutalement opposées, déchirant la gauche et l’immigration elle-même.
Le rapport du Commissariat propose une acceptation précise et relativement simple de l’intégration et à partir de là définit une politique.

Ni assimilation ni développement séparé

L’intégration ne peut pas être un simple processus d’adaptation (ou assimilation) d’un groupe minoritaire aux valeurs et modes de vie de la majorité autochtone. Elle ne peut pas être non plus à l’inverse le respect sans conditions des groupes minoritaires : ce serait une juxtaposition de ghettos, un "développement séparé". Si on rejette aussi l’idée d’un renvoi pur et simple des étrangers, si l’on accepte le fait de leur présence stabilisée, reste la voie d’une insertion située entre l’assimilation et la ségrégation. "Très souvent, du fait qu’elle est difficile à définir, cette troisième approche n’est pas développée en détails", notent les auteurs du rapport. Ils vont tenter de le faire.

Les trois niveaux de l’insertion

L’idée d’insertion implique l’existence d’une culture majoritaire par rapport à laquelle les étrangers et leurs communautés ont à se situer. Dans cette culture majoritaire, le rapport distingue trois niveaux : les valeurs et principes qui sont protégés par la notion d’ordre public et donc juridiquement contraignants, certains principes sociaux fondamentaux sur lesquels existe un consensus implicite de la majorité autochtone, et enfin des expressions culturelles différentes qui ne mettent pas en cause les principes sociaux communs. Le niveau intermédiaire est évidemment le plus délicat. Le Commissariat royal estime que l’existence de pareils principes implicitement admis par tous est incontestable. Il en mentionne deux : l’émancipation de la femme et la "réciprocité équivalente entre les différentes idéologies" (c’est le principe du pluralisme et de la liberté d’opinion). C’est dans ce domaine intermédiaire que se situeraient les polémiques autour de certaines pratiques et manifestations extérieures des religions.
Cette distinction de trois niveaux devrait réduire la part d’arbitraire dans l’appréciation par diverses parties de ce que recouvre le mot d’intégration. L’intégration par insertion, selon le Commissariat royal implique l’assimilation là où l’ordre public l’impose (dans un Etat de droit, les lois obligent tous les citoyens), la promotion conséquente d’une insertion conformément aux principes sociaux admis par tous qui fondent la culture du pays d’accueil ("modernité", émancipation de la femme et "pluralisme confirmé"), enfin dans les autres domaines le respect sans équivoque de la diversité culturelle en tant qu’enrichissement réciproque. Le débat entre assimilation et respect de la différence est ainsi, sinon tranché, au moins débrouillé.

L’acceptation réciproque

Mais les auteurs du rapport savent qu’une telle insertion ne se fera pas spontanément, qu’elle ne peut être non plus ni le fait de la majorité autochtone et de ses pouvoirs, intégrant d’autorité à ses manières de vivre les groupes minoritaires, ni l’effort isolé de ceux-ci. "Il faut promouvoir l’acceptation réciproque". Ce qui requiert "l’implication, de manière active et coordonnée, des minorités aux activités et objectifs du groupe "dominant" en charge de la politique des Pouvoirs publics". En clair et si je comprends bien, cela signifie qu’une intégration harmonieuse des populations issues de l’immigration suppose qu’on leur reconnaisse des droits, - qui assurent leur participation à la vie publique et en particulier leur intervention active dans l’élaboration des décisions politiques qui les concernent.

La section du rapport consacrée à « la traduction juridique de la politique d’intégration » ne développe pas explicitement cette idée. Elle fait l’inventaire des causes « atypiques », c’est-à-dire spécifiques des problèmes que rencontrent les immigrés. Une des causes typiques est constituée par « les infériorisations formelles existantes » ou, en d’autres mots, par « les discriminations légales sur base de la nationalité ». On ne peut rejeter à priori tout traitement différencié en fonction de la nationalité mais il faut examiner pour chaque matière, si la nationalité constitue un signe distinctif fondé justifiant le traitement différencié.

Le principe d’égalisation

Sans l’exprimer dans les mêmes termes, la position du Commissariat royal reprend ici l’idée centrale du « Livre blanc pour une politique d’intégration des minorités étrangères en Belgique » (Witboek integratiebeleid buitenlandse minderheden in Vlanderen – België) rendu public le 28 novembre 1986 par un groupe de chercheurs du Nord du pays, - livre blanc lui-même inspiré par la « Minderhedennota » qui exprime la politique des Pays-Bas en cette matière. Cette idée centrale était celle d’une « loi d’égalisation » (Gelijkstellingswet), visant à donner aux étrangers séjournant de façon stable dans le pays les mêmes droits que les Belges à la seule exclusion des droits politiques au niveau national et de l’accès à des fonctions qui engagent la souveraineté de l’Etat.

Le rapport du Commissariat royal n’utilise pas ce vocabulaire de l’égalisation, - pas plus qu’il n’insiste sur une revendication de droits. La volonté d’éviter tout ce qui pourrait ressembler à des slogans est manifeste. Mais toute la démarche est sous-tendue par un effort pour éliminer toute différence de traitement non fondée sur des raisons objectives. L’intégration serait un leurre si elle acceptait de perpétuer des discriminations arbitraires ; c’est pourquoi une politique d’intégration passe nécessairement par l’égalisation des droits.

Supprimer des formalités inutiles

Le domaine où les propositions du Commissariat royal reflètent le plus immédiatement le principe de l’égalisation des droits est sans doute celui de "l’acquisition de revenus et de la sécurité d’existence des étrangers" (ch. 5, E, propositions 47 à 50). L’idée de supprimer les discriminations là où elles n’ont pas ou n’ont plus de fondement objectif conduit à des conclusions limpides sur trois points : suppression pure et simple des formalités spéciales en matière d’emploi pour les étrangers établis ; accès des immigrés à l’emploi du secteur public ; suppression de la condition de nationalité en matière d’allocations sociales.

Pour le premier point, les propositions du Commissariat royal rappellent l’histoire de l’œuf de Colomb. Quinze ans après l’arrêt de l’immigration, tout le monde continue à trouver naturel que se perpétue pour les permis de travail et les cartes professionnelles des étrangers une législation conçue en fonction d’une arrivée continue de nouveaux immigrés. Peut-être les cas de mauvaise coordination entre réglementation de l’emploi et réglementation du séjour sont-ils relativement exceptionnels - ce qui expliquerait l’absence de revendication sur ce point.

Mais le Commissariat a parfaitement raison d’estimer que cette réglementation particulière pour les étrangers n’a plus de fondement objectif quand il s’agit de personnes établies dans le pays (et très souvent qui y sont nées ou y ont grandi) et dont il n’est donc pas nécessaire de justifier l’entrée. Il s’agit bien dans ce cas d’une discrimination qui doit être tout simplement supprimée, avec l’avantage supplémentaire de libérer des fonctionnaires pour d’autres tâches.

L’accès à l’emploi du secteur public

La question de l’accès des étrangers à l’emploi du public devait être posée. L’interprétation très large de cette notion de secteur public par la Belgique - en fonction de l’employeur et non de la nature des emplois, - a pour effet de fermer aux étrangers à peu près un quart du marché du travail. Mettre fin à cette discrimination n’est pas seulement nécessaire pour une raison de principe mais aurait des répercussions favorables dans la perspective de l’intégration. Le rapport énumère le "modèle du rôle", montrant aux immigrés qu’une implication active dans les rouages du pays est possible, une fonction de catalyseur pour la diminution des préjugés et le respect mutuel, l’intégration par la participation, une fonction d’exemple à l’intention des entreprises privées. . .

Le rapport s’appuie à bon droit sur les décisions de la Cour de justice européenne qui a pris nettement parti, le 17 décembre 1980 déjà, contre l’interprétation belge du secteur public. Le Traité de Rome (art. 48 § 4) prévoit effectivement une exception à la libre circulation des travailleurs pour les "emplois dans l’administration publique". Mais, selon la Cour de justice, ceux-ci sont définis strictement par les caractéristiques de la fonction elle-même : si elle comprend l’exercice de l’autorité publique ou est responsable des intérêts généraux de l’Etat (voir vol.3, pp. 374 - 375). Le Commissariat ne se contente pas de préconiser vivement l’ouverture de ce secteur public de l’emploi dans toute la mesure où la Commission européenne le demande mais il plaide explicitement pour que cette ouverture ne se limite pas aux emplois subalternes mais s’étende également "à des fonctions générant reconnaissance et appréciation de par leur fonctionnement public". En outre il demande son extension à tous les étrangers qui ont un permis de séjour illimité, quelle que soit leur origine.

Bien que soulevée depuis longtemps (elle figurait notamment dans le mémorandum de la Commission consultative des populations d’origine étrangère de juin 1989, Rapport, vol. 2, p.66), cette question de l’accès des immigrés au secteur public restait un tabou dans les milieux politiques. La proposition du Commissariat risque de se heurter à une forte opposition, ouverte ou se coulant dans des manœuvres dilatoires.

Sécurité d’existence pour tous

Le dernier point abordé dans ce chapitre est celui de la sécurité d’existence. Le principe de l’égalisation des droits, là où il n’y a pas de motif objectif pour un traitement différent est appliqué ici encore avec conséquence. Le Commissariat se réjouit de l’extension récente du droit aux allocations de chômage ou d’attente sur base des études, tout en regrettant qu’elle se limite aux Marocains et aux Tunisiens et reste ainsi dans le cadre des accords bilatéraux (AR du 14 août 1989). L’avis général du Commissariat est que, du moment qu’un étranger est autorisé à séjourner en Belgique pour une durée indéterminée, il doit avoir accès, en cas de besoin, à toutes les dispositions prévues pour les citoyens en matière de sécurité sociale et régimes résiduaires (minimex, allocations handicapés, etc.)

En suggérant de supprimer ici toute condition supplémentaire de durée de séjour, le Commissariat est fidèle à ses principes et aussi à l’esprit de la loi organique sur l’aide sociale.

Accès à la nationalité belge

La section du rapport consacré à la nationalité revêt aussi une grande importance, - d’autant plus que les propositions dans ce domaine semblent rencontrer un bon accueil de la part des partis de la majorité et qu’en cette matière qui relève du gouvernement national les décisions pourraient intervenir assez vite. Le Commissariat se démarque toutefois nettement de la pensée trop répandue dans le monde politique qui voit dans l’accès à la nationalité la panacée.

Son rôle ne peut être "ni sous-estimé ni surestimé". L’acquisition de la nationalité ne résout pas tous les problèmes et il doit être possible aux étrangers établis et qui font partie définitivement de notre société de participer à part entière à la vie sociale sans être pour autant acculés à changer de nationalité. Il reste que l’acquisition de la nationalité supprime une série de discriminations légales. On favorise donc l’intégration si cette acquisition est rendue plus simple, plus aisée et plus générale. Pour formuler ses propositions concrètes, le Commissariat se laisse guider par le principe de la "nationalité effective", c’est-à-dire par la réalité du lien existant entre l’étranger concerné et le pays d’accueil. Il distingue trois catégories d’immigrés : les "nouveaux arrivants" ou immigrés proprement dits (première génération), leurs enfants (deuxième génération) et les enfants de leurs enfants (troisième génération). Pour les premiers, le Commissariat demande une simplification de la procédure de naturalisation. Pour les derniers (la 3e génération, enfants nés d’un auteur né lui-même en Belgique), il préconise que la nationalité belge leur soit reconnue à la naissance. Quant aux seconds, les liens ne sont pas encore suffisamment évidents avec la société belge pour que la nationalité leur soit attribuée d’office mais elle doit leur être accessible sur simple option.

La vérification de la "volonté d’intégration" requise par la loi de 1984 doit être supprimée.
Le Commissariat royal prend parti pour les avantages de la bipatridie, alors que jusqu’ici, par exemple dans l’exposé des motifs de la loi de 1984 (code de la nationalité), celle-ci était considérée comme une situation à éviter à tout prix. Il est probable qu’un débat s’élèvera à ce sujet ; en toute hypothèse, des négociations seront nécessaires, le cas échéant, pour rencontrer des conséquences pratiques, comme le double service militaire. Mais ici, encore, la position du Commissariat a le mérite de la simplicité et de la clarté.

L’intégration comme politique

Ce qui sous-tend le rapport, il faut le dire, c’est, dans toutes les déterminations pratiques, un souci de conséquence avec le parti qui a été pris de l’intégration. Celle-ci n’est plus seulement une déclaration d’intention ; elle n’est pas non plus seulement à la charge de l’immigré – même si en quelques endroits l’insistance sur « l’équilibre des droits et des devoirs » ne paraît recouvrir une réalité bien concrète. Elle est l’idée directrice d’une véritable « politique de longue haleine ».
En terminant, exprimons un seul souhait : que l’équipe du Commissariat royal continue le travail entamé avec la même détermination et surtout que ses propositions trouvent, du moins pour la plus grande part, leur concrétisation dans des décisions des pouvoirs publics.

Jean-Marie Faux

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Un débat seulement amorcé…

Le commissaire royal et son adjoint espéraient que leur rapport donnerait lieu dans le monde politique et dans l’opinion, à un vaste débat de fond sur « les immigrés ».
(Disons ici une fois pour toutes que quand nous employons ce terme, nous le faisons, comme eux d’ailleurs, pour faire court et en étant bien conscients de ce que cette terminologie a aujourd’hui d’approximatif).
Ont-ils été exaucés ? La réponse doit être nuancée. En ce qui concerne le débat politique, à la chambre (17 janvier 1990) comme au Sénat (30 janvier 1990) il a tenu en une après-midi ; encore faut-il préciser que, pour la première de ces Assemblées, la question n’a pas été débattue en séance générale mais dans une réunion publique de la Commission de l’Intérieur, des Affaires générales, de l’Education et de la Fonction publique. Et au Sénat, le débat a été provoqué, non par une déclaration du premier ministre mais par une interpellation de M. Hasquin (PRL) au premier ministre.

La raison de ce traitement en mineur est que M. Martens, tout en apportant son appui au travail du Commissariat, n’était pas encore en état de s’engager sur des propositions concrètes. De toute façon, une bonne partie des propositions relève des régions ou des communautés. Et la conférence interministérielle de l’immigration qui regroupe les ministres concernés aux différents niveaux du pouvoir et doit être le lieu où s’élaborent les décisions, a commencé ses travaux le 7 décembre 1989.

Ces limites concédées, on peut estimer que le débat, de part et d’autre, a manifesté une approche des problèmes « globalement positive ». Il n’a rien appris de très neuf sur les positions des uns et des autres. Mais il laisse espérer qu’une large majorité se dégagera pour soutenir des propositions importantes (notamment en ce qui concerne l’accès à la nationalité).
La conférence interministérielle semble progresser dans ses travaux et M. Martens a pu déclarer au Sénat que, dans sa réunion du 23 janvier, elle avait « exprimé son accord sur le concept de base du premier rapport ».

Entre-temps, d’autres instances ont manifesté leur réaction,- comme l’exécutif de la Région bruxelloise (25 janvier) et les divers partis. On trouvera ci-après une présentation schématique des principales prises de position politiques, telles qu’elles sont résumées dans les motions déposées dans les deux Assemblées au terme du débat.

Quant à l’opinion publique, elle s’est surtout polarisée sur le point de l’Islam. Bien que se contentant en somme de reprendre et de préconiser la mise en œuvre de l’A.R. du 3 mai 1978, les propositions du Commissariat concernant l’organisation de l’Islam en Belgique ont soulevé un tollé à peu prés général. On ne conteste généralement pas le principe mais les modalités concrètes de la mise en place d’un organe représentatif. Nous ne pouvons aborder cette question dans ce numéro, avec l’ampleur, la précision et la réflexion qu’elle mérite. Je voudrais seulement ici dire deux choses à ce sujet.

Tout d’abord, quelle que soit la difficulté de trouver à cette question une solution qui, à la fois, respecte le droit d’un culte officiellement reconnu, l’opinion de toutes les communautés musulmanes, les valeurs communes à notre société et l’autorité de l’Etat de droit, il faut aller de l’avant sans précipitation mais sans tergiversation ; on ne peut laisser se perpétuer la situation bancale actuelle. L’enjeu est capital pour notre société comme pour l’existence de l’Islam en Occident, sa capacité de se situer comme une religion parmi d’autres dans un Etat laïc et la capacité des sociétés occidentales de donner leur place à des populations d’origine différente.

La Belgique a reconnu officiellement le culte musulman. Si nous parvenons à donner à cette reconnaissance une forme juste et acceptable pour tous, nous ouvrirons une voie qui aura une portée européenne et peut-être mondiale.
Il faut absolument que toutes les parties de cette vaste négociation dépassent les passions, les méfiances viscérales, les manœuvres sectaires et s’appuient sur le meilleur de leurs traditions pour dégager un consensus soucieux surtout de respecter l’opinion des personnes concernées et leur volonté d’intégration.

Deuxième et dernière remarque : l’arbre ne peut cacher la forêt. La tempête autour de l’organisation de l’Islam en Belgique ne devrait pas faire oublier beaucoup d’autres propositions du rapport comme ce qui concerne la nationalité, l’accès à l’emploi, le logement ou l’enseignement.
Il faut espérer que la détermination certaine du Commissaire royal et de son adjoint, bien augurée du gouvernement ne se laissera pas absorber par une seule question délicate mais fera avancer le débat et le conduira, dans un avenir pas trop lointain, vers des décisions positives.

Jean-Marie Faux

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LES PARTIS DEVANT LE RAPPORT DU COMMISSARIAT ROYAL’

Opposition de droite

L’opposition de droite s’est exprimée principalement à la Chambre par la voix de M. Gol, au Sénat par celle de M. Hasquin. Le premier l’a pris de haut et, jouant sur l’absence de décisions gouvernementales, a minimisé la portée du rapport. Le second a souligné la difficulté de prendre des décisions en raison de l’éclatement des compétences et il s’est longuement étendu sur le problèmes des réfugiés, dénonçant l’insuffisance du cadre de l’Office des étrangers et du Commissariat aux réfugiés.

Le P.V.V., par la voix de M. Beysen à la Chambre et de M. De Backer au Sénat a insisté sur la politique d’aide au retour ou de réintégration. Les uns et les autres s’en prennent à l’intégrisme musulman.
La motion PRL-PVV, à la Chambre, déplore le manque de décisions concrète du gouvernement, souhaite que le retour des étrangers chômeurs soit favorisé par l’octroi d’une prime conjugué à la réduction progressive de l’allocation de chômage, réclame un contrôle plus sévère dans le domaine de la sécurité sociale, une procédure plus rapide pour l’éloignement des étrangers qui font l’objet d’une condamnation.

La motion libérale au Sénat, rédigée par Mmes Herman-Michielsens et Desruelle-Ghobert rend un son un peu différent, elle ne parle pas du retour ni de l’éloignement, donne beaucoup de place au problème des réfugiés et fait surtout appel à la responsabilité du gouvernement pour qu’il coordonne les décisions entre tous les niveaux du pouvoir (y compris le communal) et que, "s’inspirant de notre tradition d’humanisme et de tolérance... Il prenne enfin les décisions qui s’imposent... "

Opposition Ecolo

La motion Ecolo-Agalev, identique dans les deux Chambres, appuie totalement le rapport du Commissaire royal et demande sa mise en oeuvre rapide ; il met en relief les points les plus nouveaux : modification de la législation relative à la nationalité, limitation des emplois réservés aux Belges dans le sens de la jurisprudence de la Cour européenne, abrogation de la condition de nationalité en matière de minimex. Elle va plus loin que le rapport en demandant d’envisager l’octroi d’un statut de citoyenneté à tous les étrangers résidant en Belgique depuis plus de cinq ans.

Majorité gouvernementale

La motion de la majorité gouvernementale, identique dans les deux Chambres, est une déclaration de principe, d’un ton très positif mais qui prudemment s’abstient d’anticiper sur les négociations gouvernementales et ne prend pas de position sur des points précis. Elle prend acte de la présence définitive de personnes d’origine et de culture étrangères, affirme que l’intégration est un processus réciproque et qu’il faut élaborer une politique qui permette la meilleure convivialité possible entre Belges et immigrés ; elle se réjouit du rapport, rappelle au gouvernement sa responsabilité, constate que beaucoup de difficultés sont liées à des problèmes sociaux qui touchent les Belges comme les immigrés.

Elle mentionne trois points plus particuliers : la réglementation du culte islamique, la lutte contre le racisme et les modifications du code de la nationalité.
A partir des interventions des orateurs, on peut dire que le C V .P. entre bien dans la perspective du rapport en ce qui concerne le logement, l’enseignement, la nationalité , est beaucoup plus réticent pour l’accès à la fonction publique et apporte une insistance particulière à l’apprentissage de la langue comme moyen d’insertion.

Le P.S.C, par la voix de Mme Cahay-André au Sénat, reprend pas mal de points précis du rapport : accès à l’emploi du secteur public, suppression de la condition de nationalité pour le minimex, etc..
Le S.P. (M. Pataer au Sénat) se reconnaît aussi dans le rapport.
Le P.S. (M. Eerdekens à la Chambre, M. Moureaux au Sénat), tout en apportant son appui au gouvernement rappelle la nécessité de l’arrêt de l’immigration et est fort sensibilisé au danger de l’intégrisme musulman.

L’adoption d’une motion commune aux cinq partis de la majorité à la Chambre et au Sénat signifie, selon M. W. Martens, que ces cinq groupes ont accepté la base même du rapport et que les différents exécutifs seront liés à l’avenir sur cette question par cette position commune.

J.M.F.

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"FATIMA D’HONDT"

Il fallait s’y attendre, le premier rapport du Commissariat Royal à la politique des immigrés a fait l’objet d’une volée de critiques négatives et d’insultes. Outre la "dénonciation" du laxisme, de certaines propositions, formulées par le PRL notamment, il est attaqué de toutes parts par l’extrême droite ; bien entendu.

Ainsi le Vlaams Blok a lancé une véritable "croisade anti-D’Hondt". Madame D’Hondt est devenue la cible favorite de ces ultra-nationalistes fascisants.
A plusieurs reprises, le Vlaams Blok a manifesté son "indignation" (tentative d’occupation des locaux du Commissariat, du domicile de Madame D’Hondt, menaces, perturbation d’une conférence - débat, ...)
Dans un tract, intitulé "Stop à la collaboration islamique", le Commissaire Royal est surnommé "Fatima D’Hondt". C’est sous ce nom également que le Parti des forces nouvelles s’en prend à Madame D’Hondt. Elle est en outre désignée comme une "intégrationniste-ultra", et une "apatride mentale" (avec Jean Gol).
Le rapport à son tour est qualifié « d’approche anti-européenne des problèmes causés par l’immigration » et est qualifié de « plaidoyer en faveur des immigrés non-européens » .
En résumé, pour le PFN, c’est une « saloperie » (sic). Tout le contraire du livre "Eigen volk eerst" de Filip De Winter, le jeune député violent du V.B., disponible au secrétariat des Forces nouvelles !
Pour ces extrémistes et racistes primaires, le rapport de Madame Paula d’Hondt et de Monsieur Bruno Vinikas est une vérité trop difficile à supporter. C’est la faillite de leur fonds de commerce xénophobe.
C’est une réponse scientifique et sociologique à leurs mensonges constants vis-à-vis des immigrés. Leurs « thèses nationalistes » sont démenties.
Leurs raisons d’existence aussi........

Manuel ABRAMOWICZ

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REFLEXIONS A PROPOS DU RAPPORT

On ne peut que se réjouir du fait que « la question des immigrés » soit venue en tête des priorités de l’agenda politique en mai 1988. Cette question atterrit ainsi enfin dans l’arène politique, où un débat pourra avoir lieu, une volonté pourra se manifester et des solutions pourront être proposées.

On ne peut que se réjouir aussi du fait que l’instruction de ce dossier, sa préparation et sa surveillance aient donné lieu à l’institution d’une fonction nouvelle et durable telle qu’un commissariat royal et que cette fonction ait été rattachée directement à celle du Premier Ministre. Depuis plus de vingt ans déjà, différents mouvements préoccupés par cette question, conscients de l’inimaginable complexité du problème et de l’incroyable confusion des instances impliquées, demandaient un contact avec insistance « au plus haut niveau » pour transcender les contradictions et les conflits que « la question des immigrés » amène inexorablement . Une revendication vieille de vingt ans a donc abouti. Nous avons obtenu ce que nous demandions.

On ne peut enfin que se réjouir du choix de Mme. P. D ’Hondt comme Commissaire Royal et de Mr. B. Vinikas comme Commissaire Royal Adjoint. La première connaît la machine politique, ses rouages, ses emballements, ses blocages et ses pannes. Et à plusieurs reprises déjà elle a pu montrer son expérience dans la conduite des affaires immigrées.
La "connaissance du terrain" dont le Commissaire Royal Adjoint dispose, permettra d’orienter la machine dans la direction où la promesse de solutions existe.

L’introduction de la "question immigrée" (a) dans l’arène politique (du pouvoir législatif et exécutif) ; (b) par le biais du chef de file du gouvernement ; et (c) soutenu par des personnalités de confiance, sont trois atouts importants pour la réussite de l’opération.

Ceci étant dit, nous nous permettons d’émettre quelques remarques sur certains points qui pourraient hypothéquer cet avenir prometteur.
Je ne m’étendrai pas sur la longue série de propositions et/ou de suggestions concernant des domaines spécifiques ou particuliers (logement, enseignement, position de la femme, pratique religieuse etc., cfr. Vol. l, pp. 47-70).

Ils méritent certainement une discussion parfois fort technique, qu’il n’est pas possible de mener ici vu les contraintes de cet article.

Au niveau local

J’aborderai cependant trois points. Le premier concerne la manière dont la politique des immigrés est définie dans le rapport.
La "question immigrée" (termes que nous utilisons ici faute de mieux) est définie comme la "réalisation d’une cohabitation harmonieuse de tous les habitants de notre pays... La politique des immigrés constitue une partie importante de cette tâche. Il s’agit en effet d’assurer, entre autres, une cohabitation harmonieuse entre les immigrés et la population belge" (p. 5),

Une telle définition du problème risque de réduire le problème, volens nolens à un problème "local", parce que c’est principalement au niveau local que cette cohabitation se fait. Ceci est incontestablement vrai, parce que tout individu se situant dans "l’espace", la dimension spatiale se trouve au cœur de toute relation humaine. Et c’est incontestablement autour de la notion de "territoire", réel ou imaginaire que les antagonismes se sont cristallisés et que le Vlaams Blok a réalisé ses gains électoraux en ressassant inlassablement la trilogie "un peuple, une langue, un sol". Mais le syndrome des "affrontements locaux" ne peut nous faire perdre de vue que la solution "au niveau local" ne sera atteinte que si la question est abordée et résolue simultanément à d’autres niveaux qui dépassent le local.

Personnellement, j’ai quelques craintes que les instances politiques (plurielles) auront vite considéré leurs tâches comme achevées, dès que les pressions locales auront été désamorcées. Je ne doute pas que l’équipe de Commissariat partage aussi ces craintes. Mais pas plus que moi, ils ne sont maîtres du thermomètre ou baromètre qui mesure les fièvres politiques... Et dès que la température aura baissé, l’intérêt pour la recherche de solutions risque de pâtir grandement.

Dès lors, il faudra veiller avec une grande vigilance, d’enclencher des réformes et des mesures qui dépassent le niveau local, telles que l’emploi et la concertation sociale, la justice et la sécurité de séjour etc... Nous verrons dans les prochains rapports si ces objectifs - et le dépassement du niveau local en particulier - pourront être atteints.

Cadres de références

La deuxième remarque concerne l’absence de référence à l’histoire politique de la nation. On peut regretter que la "question immigrée" ne soit pas mise en rapport avec deux autres questions que la société politique et civile belge a dû résoudre (tant bien que mal) au cours de son histoire : la "Question Sociale" (19ème siècle) et la "Question Coloniale" (1908-1960).

C’est dommage, parce que si cela avait été le cas, le citoyen belge aurait pu bénéficier de deux cadres de référence, dans lesquels il aurait pu puiser des arguments analogiques et comparatifs pour comprendre et résoudre la situation actuelle. Ces deux questions concernaient de manière particulière le rapport que le système politique belge devait instituer avec des "communautés" qui ne trouvaient pas leur place dans le système national le "monde ouvrier’" et les "Congolais", principalement les évolués. Le rapport entre immigration et classe ouvrière est certain et manifeste.

Le rapport entre immigration et colonialisme est manifeste et certain en France, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. Mais en Belgique il est occulté par le fait que la métropole n’a pas recruté directement de main-d’œuvre coloniale pour pallier au manque de travailleurs sur le territoire national. On ne peut toutefois nier la similitude de comportements et d’attitudes entre la gestion coloniale et la gestion de l’immigration.

L’histoire "ouvrière" et l’histoire coloniale nous seraient d’un grand secours pour comprendre et (re)faire une (autre) histoire (immigrée).

Un pacte sur l’immigration ?

La troisième remarque concerne la manière dont le rapport propose d’instituer les relations avec les immigrés. On ne peut se départir de l’idée que l’intégration, ou plutôt l’insertion des immigrés (chapitre 4, point 2, pp. 34 et ss.) repose sur une conception générale d’un "contrat" entre la "majorité autochtone" et la "majorité suffisamment importante de personnes appartenant à chacune des minorités" (p. 37), le tout devant aboutir à un "dosage correct entre droits et devoirs des autochtones et anochtones" (p. 38).

L’idée d’un contrat fixant les droits et devoirs respectifs a plus d’une fois été utilisée en Belgique pour résoudre des questions sociales ou politiques. La conclusion de ces contrats se fait alors sous la forme de pacte : pacte de solidarité sociale, pacte sur la productivité, pacte scolaire, pacte culturel...

Pourquoi pas maintenant un pacte sur l’immigration ? Si cette idée est hautement attrayante, voire même souhaitable on ne peut toutefois nier que dans l’état actuel des choses nous nous trouvons dans une double impasse.

La première est due au fait que certains droits ne sont pas (ou plus) négociables tels que les "droits de l’homme". Ceux-ci doivent être accordés à tout ou chacun quel qu’il soit. Ils ne font pas l’objet de transactions.

La seconde résulte du fait qu’un contrat, un pacte ou une transaction portant sur les droits et devoirs réciproques (entre minorité(s) et majorité) ne peut se conclure que si les parties sont présentes ou légitimement représentées. Or jusqu’à ce jour les immigrés n’ont eu accès à l’arène politique ni au niveau local, communal, ni au niveau national. Une négociation, une transaction légitimement acceptée et reconnue par les parties ne pouvant avoir lieu, les propositions de la majorité seront ressenties par les minorités comme une imposition unilatérale par la majorité.

Dans l’arène politique

Il ne fait pas de doute que l’on touche ici une des contradictions les plus importantes du système de décision politique mis en place par l’instauration d’un Commissariat Royal à la Politique des Immigrés. En introduisant cette question dans l’arène politique et il ne pouvait plus en être autrement - mais en excluant les immigrés de cette arène, il sera de plus en plus difficile, voir impossible de traiter ce problème. Ce ne sera pas la première fois que le système politique belge sera confronté à une telle impasse. Dans d’autres circonstances des solutions ad hoc ont été trouvé « en catastrophe » (…)

L’évolution que prend le débat sur la religion islamique par exemple, montre que la "question immigrée" est discutée en dehors de l’arène politique, dans la rue, dans les médias etc... avec de plus en plus de difficultés pour « le politique » de reprendre ce débat en main. Ceci n’est certes pas sans danger mais ce ne sera pas la première fois qu’en Belgique de telles impasses se résolvent par une intervention « quasi miraculeuse », un « compromis à la belge » ou un « manager de crise »…

La solution de ce problème par l’imposition de la nationalité aux enfants de la troisième génération (p. 54) me fait quelque peu sourire (pardonnez-moi cette impertinence). La question est ainsi reportée à 20 ans (10 ans de moins que le délai (30 ans) pour l’indépendance du Congo, proposé par J. Van Bilsen en 1957... trois ans avant l’indépendance effective !).

Personnellement, je crois qu’il serait illusoire de penser que l’on pourra encore tergiverser longtemps sur les droits et devoirs réciproques...
La commune de Genk (Limbourg) a mis sur pied, pour la troisième fois, un conseil consultatif d’intégration, avec un courage et une persévérance digne de la plus fidèle Pénélope. Mais d’ores et déjà nous pouvons prévoir qu’en l’absence d’une participation politique effective à la gestion communale, ce Conseil s’éteindra d’ici cinq ans, tout comme les tentatives précédentes.

Jusqu’à quand devrons nous éreinter toutes les femmes et tous les hommes de "bonne volonté" ? Peut-on espérer que le prochain rapport semestriel du Commissariat Royal, qui abordera particulièrement le niveau communal (p. 15) nous révèlera la date ultime de cet objectif : l’an 2001, 2010, 2100 ? et préparons nous à devoir aller vite, très vite, d’ici quelques années peut-être ?

Albert MARTENS

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L’OFFRE EST LA DEMANDE ?

A propos d’un Conseil Supérieur des Musulmans

Voulant entendre un autre son de "cloche", il m’a été demandé de verser dans le courant et donner mon avis sur l’Islam (curieusement médiatisé) et l’Immigration devenant le jeu politique de la droite comme de la "gauche", si ce n’est pas le pain quotidien de monsieur Tout le monde. En effet, sur la Scène ou le Minbar, les opinions se chevauchent, les orateurs se répètent ou s’embrouillent, créant des amalgames de toute sorte.
La présence en Belgique d’une communauté qui revendique l’intégration avant que l’on la lui impose et qui manifeste une identité Autre, et une autre Culture, dérange et secoue pas mal d’esprits.
L’idée de et la création d’un Commissariat à la Politique des Immigrés, ont "coïncidé" avec un climat politico - socialo - culturel pour le moins spécial : manifestation contre le raid américain sur la Lybie, l’Affaire Rushdie, l’assassinat du Directeur du Centre Islamique et enfin (?) l’affaire du Foulard, sans parler des relations diplomatiques devenues privilégiées, entre autre, avec le Royaume du Maroc (Le Zaïre). Tout cela crée un "tollé" général dans lequel on me demande de participer.
Soit !
Mais mon intervention n’aura rien de particulier, à part le fait qu’elle n’est composée que de questions : pourquoi l’exclusion tacite des gens concernés ? Pourquoi ne pas demander l’avis des gens dont on parle ? Directement, sans intermédiaire, vrai ou faux ?
Pour la question qui nous intéresse, les gens sont les gens de Culture Musulmane, qui ne sont pas coincés dans des mosquées ou dans des Centres ou des organisations quelconques. Les gens qui vivent leur "originalité" et effectuent leur "intégration", tranquillement, sans magouille religieuse ni politique d’où que ce soit.

L’Islam n’étant pas uniquement l’Iran avec un "Imam" hiérarchique entouré de clergé.
L’Islam n’étant point le Maroc avec son « Emir des Croyants » absolu et « Divin ». La Belgique voudrait-elle avoir la prétention de nous offrir un autre modèle ? Une troisième Voie… Verte et pas mûre ?

Des propositions complémentaires et contradictoires (puisqu’il s’agit d’une religion !) n’ont sûrement pas cessé de pleuvoir sur le Commissariat Royal de l’immigration depuis que ce dernier a lancé son ballon. Au fait, il s’agit d’un ballon d’essai ou d’une vraie demande ?

Une représentation des musulmans en Belgique ?

Le Commissariat Royal à la Politique des Immigrés propose dans son premier rapport de novembre 1989 entre autres la création d’un Conseil Supérieur des Musulmans de Belgique. Et cela au moment ou une partie de la communauté musulmane revendique une reconnaissance claire de son identité religieuse et culturelle : - port du foulard, école musulmane, - cours de natation… parallèlement au droit de vote, à la naturalisation.

La communauté musulmane est présente sur le territoire belge depuis 1964, et ce n’est que 25 ans plus tard que la nécessité d’une meilleure communication s’est fait sentir ! Pour répondre à ce besoin de communication, surtout au niveau des autorités belges, il paraît actuellement qu’une instance représentative doit exister ! (jusqu’à présent cette instance se confondait pour des raisons historiques avec le Centre Islamique et Culturel).
Si l’idée de la création d’un tel Conseil est judicieuse ; l’organisation pratique de l’élection d’un tel Conseil quant à elle est floue.

Alors que le Commissariat préconise que la publicité pour l’élection et la création de ce Conseil soit effectuée par les autorités belges, il s’avère que seul le Centre Islamique et Culturel ouvre des listes d’électeurs, suivi par l’ambassade du Maroc. Si d’autres institutions ne participent pas à l’organisation et à la coordination des inscriptions, la situation n’évoluera pas et à nouveau les autorités belges n’auront comme interlocuteur que le Centre Islamique ou des représentants de l’Etat marocain.
Or, la communauté musulmane comme toutes les communautés religieuses est composée de membres pratiquants et non pratiquants, ainsi que de pratiquants orthodoxes et ceux qui le sont moins, mais aussi de laïcs.
En tenant compte des différentes sensibilités, qui peut participer à ces élections et qui peut être éligible ?

Un problème plus aigu est celui des jeunes immigrés qui tant au niveau religieux qu’au niveau culturel ne se situent pas clairement ou qui ont d’autres priorités.
Face à ces diversités de la communauté ne serait-il pas envisageable qu’une commission neutre puisse aider à l’organisation de ces élections ?

Il s’avère à la lecture du rapport du Commissariat que les autorités belges ne doivent en aucune manière s’impliquer dans l’organisation pratique de ces élections, et ce dans un souci de démocratie et surtout de la liberté du culte !
Ceci apparaît contradictoire avec le fait que "l’Etat belge est libre d’apprécier la représentativité de l’institution soumise à son agrégation." Que se passera-t-il si démocratiquement élus, des membres "intégristes" étaient majoritaires ? Les autorités civiles s’immisceraient-elles dans la vie religieuse en accordant ou en refusant leur intégration ?

Il est proposé, toujours dans ce rapport que le Conseil soit composé de membres élus et de membres cooptés "représentants de courants autres - de personnes d’une grande autorité morale, intellectuelle ou scientifique", ce qui indique que la composition directe de ce Conseil est laissée au Commissariat quant à la quantité et à la qualité de ses membres ! En est-il ainsi pour les autres communautés religieuses ?

Alors que le Commissariat a été précis quant à la création de ce Conseil, il ne donne que peu d’éléments quant à son rôle et ses compétences dans le futur.
On le sent déjà, la création d’un tel Conseil est sujette à controverse dans la population. Certains s’y sont préparés en créant des associations "religieuses", d’autres des associations "laïques", . . . Mais la communauté musulmane de Belgique que veut-elle ? Revendique t-elle une instance représentative ? La communauté musulmane étant d’origines différentes, il va de soi que ses sensibilités religieuses soient différentes.

Habituellement il n’existe pas d’autorité religieuse hiérarchique dans la religion musulmane sunnite. Ne propose-t-on pas à la communauté un Conseil qui serait en contradiction avec ses croyances ? Ce Conseil Supérieur des Musulmans de Belgique sera-t-il uniquement un interlocuteur vis-à-vis des autorités ? Ne risque t-il pas de devenir une instance hiérarchique vis-à-vis de la population ? Peut-être l’idée même du Conseil Supérieur des Musulmans en Belgique ne verra pas le jour, ou au moins pas de si tôt, mais des questions continuent à s’empiler et des intérêts de toutes sortes se font sentir.

"Que Dieu nous préserve !"

Ahmed OUBARI

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