A la rencontre de Zayneb et de sa fille Hajar

Remise en cause du statut de réfugier politique (1983)

L’ A.B.J.D., l’A.D.D.E. , le Collectif des Avocats de Bruxelles, l’O.C.G.B., le Service Social des Etrangers et le VOCOM, lors d’une conférence de presse donnée le 29 mars 1983, ont voulu dresser, deux ans après le vote de la loi du 15 décembre 1980 relative à l’accès du territoire, au séjour, à l’établissement et à l’éloignement des étrangers, la situation en matière de reconnaissance du statut de réfugié en Belgique. Il s’agit d’un constat de carence. Pas plus qu’auparavant, disent les organisateurs, il n’existe aujourd’hui une procédure définie par des règles écrites et accordant au demandeur du statut de réfugié les garanties habituellement reconnues à chacun en matière de droits de la défense, de motivation des décisions et de droits de recours.

Ces organisations relèvent plusieurs défauts à la procédure en cours actuellement (cf. article précédent).

En premier lieu, il y a le délai exigé pour l’examen de la demande, qui peut s’élever jusqu’à deux ans, délai dû notamment à la pratique du double interrogatoire qui, au Ministère de la Justice, ne se limite jamais à l’examen de la recevabilité de la demande, puisque le candidat est également soumis à un examen fouillé des raisons pour lesquelles il demande un statut de réfugié, ce qui est contraire au partage égal des compétences entre le Ministère de la Justice et le H.C.R.

Dans le cadre de cette enquête sur la recevabilité, le Ministère de la justice demande également à Interpol d’enquêter auprès des autorités du pays d’origine. Le candidat réfugié dont le statut est finalement refusé et qui n’a souvent d’autre choix que de rentrer dans son pays d’origine, verra sa situation là-bas fort compromise du fait de l’enquête d’Interpol.

Autre grave anomalie de la procédure, c’est l’absence de règles écrites et le secret dont s’entoure l’examen du dossier par le H.C.R.. Cette absence de procédure enlève au candidat réfugié toutes les garanties que le droit belge accorde aux personnes qui relèvent de la juridiction des autorités belges, en matière de droit de la défense. D’où, selon les organisations, le développement de ce qu’elles appellent des perversions du principe démocratique : la méfiance vis-à-vis des avocats, l’abandon du principe selon lequel le doute profite au candidat, ainsi que la difficulté pour l’admission des preuves.

Pour finir, il faut rappeler que la décision du H.C.R. n’est susceptible d’aucun recours, ni administratif, ni judiciaire. Seul est possible un réexamen devant la même instance sur la base d’un élément nouveau qui lui serait soumis après la décision de refus.

Afin de pallier les carences susmentionnées, les organisations proposent certaines réformes :

1.Le dossier doit obligatoirement être mis à la disposition de l’intéressé et de son conseil ;

2.le dossier doit pouvoir être consulté dans son intégralité, sauf pour des raisons de sûreté publique. Mais en tout cas la décision ne peut être motivée sur base de la partie du dossier confidentielle ;

3.L’intéressé devrait pouvoir se défendre sur base d’un mémoire sur lequel il pourrait, s’il le souhaite, être entendu , assisté de son conseil ;

4.la décision du H.C.R.devrait être formellement motivée ;

5.la décision devrait être susceptible d’un double recours ; un recours administratif en révision auprès d’une autorité différente de celle qui a rendu la décision en premier ressort et un recours juridictionnel habituellement ouvert auprès du Conseil d’Etat contre toute décision administrative. Ces recours se doivent d’être suspensifs de l’exécution de la décision prise en premier ressort. Dans la matière des réfugiés, la présomption du caractère irréparable d’une mesure d’éloignement devrait être reconnu presque par définition ;

6.au cas où, pour des raisons techniques, la décision du H.C.R. ne pourrait faire l’objet d’un quelconque recours, les organisations envisagent que soit enlevé au H.C.R. la compétence de prendre la décision d’accorder ou de refuser le statut. Le H.C.R. pourrait, par exemple, continuer à collaborer à la confection de la décision par voie consultative ou dans le cadre d’un système qui permettrait que la décision soit prise en collaboration par le H.C.R. et par le Ministre des Affaires Etrangères.

F.S.A.